lundi 11 mai 2015

AILLEURS

Les dieux du goulag sont morts dans leur solitude, aventurière amertume, auras-tu le courage de vieillir ? On n'a peut-être ni le temps, ni le droit d'y penser, mais le prisonnier reste seul devant ses erreurs, mon malheur, les yeux sans lueur, ma liberté m'a oublié pour des habitudes grotesques, le venin dans le sang, le poison dans la tête, la finitude enferme mon espérance et la condition est hasardeuse. Les clochards sont partis ailleurs, ignorants notre raison, tous les gens sont différents, les têtes se côtoient mais aucune ne pense pareil, la marée va, menteuse, engloutir ma tristesse. Et l'arbre va, fidèlement, rejoindre les oublis, obscur décision, il contemple nos époques : "vous vous ressemblez trop !" dit-il, et ses feuilles tomberont, tapis vert, chemin noir, les pas sont recouverts, pas d'espoir. Une fine pluie s'écoule dans mon coeur, je suis seul. Un navire a quitté le port, hier, il faisait soir, le quai est morose, ta vie aussi, mais je n'ai pas envie de me perdre dans des heures inconscientes. La nuit doit être vécu, criez âmes éternelles, dans la question fondamentale. Les enfants vont grandir dans l'ordre de votre raison. Le respect de l'acquis a coûté tant de vie, il paraît que le ciel s'est tué pour nous, je ne suis qu'un pauvre rêve. Le nouveau visage est étonnant, comme un rayonnement survenu du lointain pour me dire que notre accomplissement est bien trop grand. Je croyais être seul, je pensais avoir beaucoup vu, j'ai cru tout comprendre mais son regard personnellement vagabond me défie. Je ne suis qu'une larme dans la souffrance du monde. L'immense tragédie nous entoure et je reste assis sur mes soucis, je n'ai rien à attendre de leurs désirs. Partir, inquiétant, passionnant, pour se reconnaître ailleurs, pour me détacher de l'invisible chaîne. La crainte des autres paysages, des autres langages, des autres... Les oiseaux n'ont jamais le même nid, heureux de s'envoler, sacrifice des vérités découvertes. Le vertige est la drogue des voyages et des aventures, mais elle ne change rien au décor de ton ombre. Partir pour rester en face de soi-même, les vents du nord ont balayé tous les déserts. Un jour, le soleil ne se lèvera pas pour arroger la puissance des hommes, dans le froid de la nuit sans étoile, nous mourrons sans avoir compris. Le 12 mars 1984

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire